Cass. com., 30-03-1993, n° 90-21980, publié au bulletin, Cassation.
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION
Chambre Commerciale
30 Mars 1993
Pourvoi N° 90-21.980
Transports Smil Leperck et autre
contre
société Bodez.
Attendu selon l'arrêt attaqué, que la société Smil Leperck-Hypercuisines, ayant son siège à Roncq, et la société Transports Leperck, ayant son siège à Tourcoing, ont été mises en redressement judiciaire par deux jugements du 22 mai 1986, M. ... étant désigné en qualité de représentant des créanciers des deux procédures collectives ; qu'ayant reçu de celui-ci, au titre de la société Transports Leperck, l'avertissement prévu à l'article 66, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985, la société Bodez a répondu par une déclaration de créance accompagnée de bons de commande, factures et lettres de change impayées établies au nom d'Hypercuisines à Roncq ; que le 5 novembre 1986, le représentant des créanciers a, en application de l'article 24 de la loi du 25 janvier 1985, soumis à l'accord de la société les propositions formulées pour le règlement des dettes de la société Smil Leperck en vue de l'élaboration de son plan de redressement ; que par lettre du 4 février 1988, il l'a avisée, conformément à l'article 54 de la loi du 25 janvier 1985, que la créance déclarée relevait du passif non de la société Smil Leperck mais de la société Transports Leperck ; que par deux ordonnances rendues le même jour, le juge-commissaire a rejeté cette créance à l'égard de la société Smil Leperck et l'a admise à l'égard de la société Transports Leperck ; que la société Smil Leperck et M. ... ont demandé à la cour d'appel de déclarer irrecevable le recours formé par la société Bodez contre les deux ordonnances, faute par celle-ci d'avoir répondu dans le délai prévu à l'article 54 de la loi du 25 janvier 1985 à l'avis qui lui avait été adressé en vertu de ce texte ; que la cour d'appel a annulé les décisions entreprises et admis la société Bodez au passif de la société Smil Leperck ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Attendu que la société Transports Smil Leperck et la société Sebca venant aux droits de la société Smil Leperck font grief à l'arrêt de s'être ainsi prononcé, alors selon le pourvoi, que la voie exceptionnelle de l'appel en nullité ne saurait être utilisée pour contourner l'article 102, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 qui impose une limitation à l'exercice des voies de recours ; que la cour d'appel en déclarant recevable l'appel en nullité des ordonnances du juge-commissaire, qui n'étaient pas susceptibles de recours de la part de la société Bodez, a violé les articles 542 du nouveau Code de procédure civile et 102 de la loi du 25 janvier 1985 ; Mais attendu qu'aucune disposition ne peut interdire de faire constater selon les voies de recours du droit commun la nullité d'une décision rendue en violation d'un principe essentiel de procédure telle l'obligation de motivation des jugements ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; Attendu qu'en annulant d'office les ordonnances entreprises sur le fondement des articles 455, alinéa 1er, et 458 du nouveau Code de procédure civile, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; Et sur le second moyen
Vu les articles 54 de la loi du 25 janvier 1985 et 72, alinéa 2, du décret du 27 décembre 1985 ; Attendu que s'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées aux articles 106 et 123 de la loi précitée, le représentant des créanciers en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications ; que le défaut de réponse dans le délai de 30 jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du représentant des créanciers ; Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel a relevé que les circonstances dans lesquelles la société Bodez avait été avisée par un unique avertissement relatif à une société qui ne la concernait pas directement étaient troublantes tout comme les conditions dans lesquelles ses créances avaient été tenues successivement comme créances de la société Smil Leperck, en harmonie avec les justifications produites, puis comme créances de la société Transports Leperck, en contradiction avec ces mêmes justifications, que la déclaration initiale de la société Bodez, accompagnée de justifications suffisantes indiquant qu'elle était dirigée contre la société Smil Leperck, avait été reçue et tenue pour telle par le représentant des créanciers et que celui-ci ne pouvait, en conséquence, se prévaloir des dispositions de l'article 54 de la loi du 25 janvier 1985 ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société Bodez n'avait pas répondu à la lettre que le représentant des créanciers lui avait adressée le 4 février 1988 pour contester l'imputation de sa créance au passif de la société Smil Leperck, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.