Cass. com., 11-10-1994, n° 90-12.129, Rejet.



Cour de Cassation

Chambre commerciale

Audience publique du 11 Octobre 1994

Rejet.

N° de pourvoi 90-12.129

Président M. Bézard .

Demandeur Banque de Bretagne

Défendeur Mme ..., ès qualités de mandataire-liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Résidences bretonnes.

Rapporteur M. ....

Avocat général Mme Piniot.

Avocats la SCP de Chaisemartin et Courjon, M. ....

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 décembre 1989), qu'après la mise en redressement puis en liquidation judiciaires de la société Les Résidences bretonnes, le liquidateur de la procédure collective a, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, assigné la Banque de Bretagne (la banque) en paiement de dommages-intérêts, en lui reprochant d'avoir maintenu à la société débitrice des concours malgré sa situation financière irrémédiablement compromise et d'avoir ainsi, par ses agissements fautifs, aggravé le passif ;

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande du liquidateur à concurrence d'une somme de 1 400 000 francs, après l'avoir déclarée recevable, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le mandataire-liquidateur n'est pas recevable à agir en responsabilité contre l'un des créanciers ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985 ; alors, d'autre part, qu'en tout état de cause ne constitue pas un préjudice collectif, mais un préjudice individuel, le préjudice subi par certains créanciers postérieurement à l'octroi du crédit et qui ont été victimes d'une apparence trompeuse de solvabilité reprochable au banquier ; que la cour d'appel a constaté que la responsabilité de la banque n'était engagée qu'envers certains créanciers, ceux qui avaient accepté de traiter avec la société Les Résidences bretonnes après le 1er avril 1988, parce qu'ils croyaient en sa solvabilité ; qu'en déclarant le mandataire-liquidateur recevable à demander réparation d'un préjudice qui n'était pas collectif, mais individuel, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les dispositions de l'article 46 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que les juges du fond doivent analyser les éléments de preuve sur lesquelles ils prétendent fonder leur décision ; que la cour d'appel qui s'est bornée à indiquer qu'elle se basait sur les pièces versées aux débats pour évaluer le préjudice subi à 1,4 million de francs sans analyser même sommairement ces pièces n'a pas satisfait aux exigences des dispositions des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile qu'elle a ainsi violées ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel constate, non pas que seuls les créanciers ayant traité avec la société débitrice après la date du 1er avril 1988, fixée par elle comme celle à laquelle la banque aurait dû cesser ses concours, subissaient un préjudice, mais que le dommage résultant des agissements fautifs de la banque se limitait à l'aggravation du passif postérieurement à cette date ; qu'elle en a exactement déduit, ce préjudice n'étant pas personnel à certains créanciers, que l'action en responsabilité intentée par le liquidateur de la procédure collective contre la banque était recevable, dès lors que ce mandataire trouve dans les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi en vue de la défense de l'intérêt collectif des créanciers qualité pour exercer une action en paiement de dommages-intérêts contre toute personne, fût-elle titulaire d'une créance ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, coupable d'avoir contribué, par des agissements fautifs, à la diminution de l'actif ou à l'aggravation du passif ;

Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, après avoir indiqué les différents chefs de préjudice imputables à la banque, que la cour d'appel a fixé la contribution de cette dernière à l'aggravation du passif à la somme de 1 400 000 francs ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi.