Au contraire, si le juge-commissaire rend une décision aggravant la proposition de rejet partiel du représentant des créanciers ou, au contraire, adoucissant la proposition de rejet du représentant des créanciers, la voie de recours est, à nouveau, ouverte au créancier (par ex. CA Paris, 3ème ch., sect. B, 9 avril 2004, RG n° 2003/07979, URSSAF c/ SCP Brouard-Daude N° Lexbase : A3722DCT). Remarquons que la cour d'appel ne pourra confirmer l'ordonnance de rejet, mais devra déclarer l'appel irrecevable. Cette solution n'est pas toujours suivie en jurisprudence et l'on voit parfois des décisions confirmant le rejet, ce qui postule la recevabilité de l'appel (par ex., CA Paris, 3ème ch., sect. B, 18 juin 2004, RG n° 2003/9684, Banque Franco Portugaise c/ M. Bertrand Jeanne N° Lexbase : A3175DDX). En outre, la cour d'appel ne pourra, d'office, soulever le moyen de l'irrecevabilité de l'appel pour défaut de réponse à la contestation. Elle devra inviter les parties à s'expliquer sur ce point. A défaut, il y a violation d'une règle essentielle de procédure, rendant recevable le pourvoi. Car seul le recours réformation est fermé. Le recours nullité reste ouvert. C'est ainsi que le créancier pourra faire appel d'une décision du juge-commissaire rendue sans motivation (Cass. com., 30 mars 1993, n° 90-21.980, Transports Smil Leperck et autre c/ Société Bodez N° Lexbase : A5487ABT, Bull. civ. IV, n° 132).
Mais, que se passe-t-il si le créancier contesté, bien que n'ayant pas répondu à la lettre de contestation, est convoqué devant le juge-commissaire ? Est-il déchu du droit de former, ensuite, appel à l'encontre de l'ordonnance qui rejette sa créance ? C'est à cette question que répond l'arrêt rapporté.
En l'espèce, M. L. déclare sa créance au passif de la société S. E, déclarée en liquidation judiciaire. Le 26 septembre 2001, le représentant des créanciers informe M. L. de la contestation de sa créance. Le 9 octobre 2001, M. L. reçoit une convocation devant le juge-commissaire pour être entendu sur la créance déclarée. Sa créance est partiellement rejetée et M. L. forme alors appel. La cour d'appel va déclarer l'appel irrecevable, faute pour M. L. d'avoir répondu au courrier de contestation. La Cour de cassation va la censurer aux motifs que "le créancier ayant été convoqué devant le juge-commissaire dans le délai de trente jours ouvert par l'article L. 621-47 du Code de commerce et ayant comparu devant lui, la sanction prévue par l'article précité (privation de la possibilité d'exercer un recours sur la décision du juge-commissaire) ne lui était pas applicable, peu important l'absence de réponse à la lettre de contestation du représentant des créanciers".
Il est, d'abord, certain que le créancier contesté, qui n'est pas convoqué, ne pourra pas, dans le cadre d'un débat contradictoire, assurer sa défense. Le créancier s'exclut, ainsi, du débat sur la créance. Il y a violation justifiée par les textes du principe du contradictoire. La solution qui résulte d'une interprétation a contrario de l'article 73, alinéa 3, du décret avait déjà été posée par la jurisprudence (Cass. com., 30 mars 1993, Bull. civ. IV, n° 128 précité ; Cass. com., 12 novembre 1997, n° 95-14.225, Société Guérin Diesbecq, ès qualités de liquidateur de la société MHC c/ Consorts de Seguin et autre N° Lexbase : A1840AC7, JCP éd. E 1998, pan. 13) avant la rédaction nouvelle par la loi du 10 juin 1994 de cet article.
Il est tout aussi certain que si le greffier n'a pas l'obligation de convoquer le créancier contesté qui ne répond pas à la contestation, rien ne lui interdit cependant de le convoquer à le faire. Mais alors, faut-il admettre la possibilité pour le créancier d'exercer un recours sur la décision du juge-commissaire qui confirme la proposition de rejet du mandataire de justice ? Les juridictions du fond étaient divisées sur cette question. L'une avait considéré que la convocation du créancier par le juge-commissaire, alors qu'il n'avait pas répondu à la lettre de contestation, n'avait pas pour effet de lui ouvrir la voie de l'appel en cas de confirmation de la proposition de rejet du représentant des créanciers (CA Douai, 5 mai 1994, Rev. proc. coll. 1995, 311, n° 7, obs. B. Dureuil). Une autre décision avait, au contraire, estimé que lorsque le juge-commissaire qualifiait sa décision d'ordonnance rendue sur contestation, la voie de l'appel se trouvait à nouveau ouverte (CA Paris, 3ème ch., sect. B, 4 juin 2004, RG n° 2002/14373, Société Banque de l'Ile-de-France c/ Société Visi Scan N° Lexbase : A9453DC4). La Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, apporte une réponse nuancée. La privation du droit d'appel ne s'applique pas au créancier convoqué devant le juge-commissaire dans le délai de trente jours et ayant comparu devant lui.
La solution doit être rapprochée de celle selon laquelle le délai de trente jours ne court pas contre le créancier auquel il est annoncé, dans la lettre de contestation, qu'il sera convoqué devant le juge-commissaire (Cass. com., 18 mars 2003, Act. proc. coll. 2003/11, n° 141 N° Lexbase : A5354A7G). Il faut donc, semble-t-il, considérer que la convocation devant le juge-commissaire vaut dispense de réponse, mais, pour cela, deux conditions devront être réunies. D'une part, la convocation devra intervenir avant que la sanction attachée au défaut de réponse ne soit consommée, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de réponse de trente jours. D'autre part, le créancier devra se présenter devant le juge-commissaire. Cette seconde exigence peut se justifier par l'observation que, en ne répondant pas, le créancier s'exclut du débat sur la créance, mais que, en étant, néanmoins, convoqué devant le juge-commissaire, le créancier se voit à nouveau appliquer le principe de contradiction. S'il ne se présente pas, il décide définitivement de s'exclure du débat sur la créance et admet, ainsi, la prétention du représentant des créanciers de voir rejeter sa créance. Il y a, alors, acquiescement implicite à la décision que rendra le juge-commissaire, dès lors, du moins, qu'elle est conforme à ce qu'avait annoncé le mandataire de justice. Il ne pourra, alors, former appel, puisque, du fait de son acquiescement implicite, il n'aura pas succombé. Au contraire, s'il répond à la contestation, le créancier participe définitivement au débat sur la créance, de sorte qu'il importe peu qu'il se présente ensuite à l'audience devant le juge-commissaire (CA Toulouse, 2e ch., 19 mai 1989, cité par B. Soinne, Traité des procédures collectives, 2ème éd. Litec, 1995, note 7775).
Dès lors que la première sanction procédurale -absence de convocation devant le juge-commissaire- est écartée, il apparaît logique d'écarter également la seconde. Si le créancier est convoqué devant le juge-commissaire et qu'il comparaît devant lui, il n'y a plus exclusion du débat contradictoire sur la créance. Or, c'est précisément parce que le créancier s'exclut du débat sur la créance qu'il est privé du droit de faire, ensuite, appel de la décision qui confirme la proposition de rejet émanant du mandataire de justice.
La solution de la Cour de cassation mérite donc pleine approbation.